Oiseaux marins
Soins aux oiseaux mazoutés – Bases
Corrélation entre degré de mazoutage et chances de survie d’un oiseau marin
A état de santé égal, le degré de « mazoutage » d’un oiseau est « inversement » proportionnel à ses chances de survie et donc de réhabilitation.
Pourquoi ?
Les oiseaux marins, vertébrés homéothermes, possèdent un plumage structuré de telle façon qu’il leur assure une étanchéité parfaite à l’eau et au froid. Cette stratégie adaptative, en plus de leur assurer la flottaison, les dispense des pertes caloriques inhérentes aux faibles températures du milieu dans lequel ils évoluent.
Ce plumage est régulièrement entretenu par l’oiseau qui débarrasse ses plumes des impuretés, les nettoie, les lisse… La moindre tache, si petite soit–elle, de la taille d’une tête d’épingle par exemple, qui ne peut être éliminée (cas du mazout) fait perdre au plumage son étanchéité. Dans le cas du fuel, l’animal s’intoxique à chaque nouvelle tentative de nettoyage.
L’oiseau très mazouté n’a d’autre solution que de dériver au gré des courants. Il arrivera donc sur la plage et sera ainsi récupéré plus rapidement qu’un oiseau peu mazouté qui luttera davantage contre le froid, la noyade et le jeûne forcé, s’épuisant progressivement.
Le degré de « mazoutage » n’est donc pas un critère d’euthanasie.
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Découverte d’un oiseau sur la plage
Un oiseau marin sur le sable qui ne fuit pas à votre approche est, selon toute logique, un oiseau en difficulté. Les taches de mazout ne sont pas toujours visibles sur le plumage et ne sont, de toutes façons, pas l’unique cause pouvant leur nuire : hameçons, prises dans les filets, épuisement… sont autant d’agents « nuisibles ».
Par ailleurs, les marées noires demeurent la partie visible de l’iceberg du « mazoutage » des oiseaux. En effet, une pollution chronique par les dégazages fait chaque année des victimes qui arrivent sur nos côtes ou meurent en pleine mer. Elle est moins visible, donc personne n’en parle, mais elle existe !
Dès la découverte d’un oiseau vivant sur la plage, sa prise en charge ne doit théoriquement pas excéder deux heures, ce pour optimiser ses chances de survie. Il est attrapé une fois échoué sur le sable, à l’aide d’une serviette éponge qui le recouvre entièrement (yeux compris), d’une part pour ne pas mettre le manipulateur en contact avec le pétrole dont est recouvert l’oiseau, d’autre part, pour limiter le stress du même oiseau.
Le port de gants, de masque et de lunettes est obligatoire. Si les gants semblent une évidence, l’expérience nous a montré qu’il n’en allait pas de même pour les lunettes. Ne jamais oublier que vous manipulez des animaux sauvages. Bien que souvent épuisés, leur instinct leur dictera de se défendre car vous êtes perçu comme un agresseur. La fuite et le bec sont leurs armes. Ne pouvant plus fuir, ils vous donneront des coups de becs. Si ces derniers sont peu dangereux, voire inexistants avec les petites espèces, la situation est différente pour les grandes espèces (fous de Bassan, cormorans) : un bec effilé peut vous crever un œil. Vous comprenez désormais le bien–fondé du port des lunettes !
Les espèces admises dans les centres de soins aquitains
Mergules nains (aucun survivant), guillemots de Troïl, pingouins Torda, macareux moines, fous de Bassan, grands labbes, goélands marins, argentés, bourgmestres et bruns, mouettes tridactyles et rieuses, un plongeon catmarin (mort sur centre), pétrels fulmars.
![]() Grand labbe |
![]() Box de guillemots de Troïl sous lampe à infrarouges |
![]() Mouette tridactyle pas en forme |
![]() Box de macareux moine |
![]() Goéland marin |
![]() Mouette rieuse |
![]() Mergule nain : tient dans la paume de la main |
![]() Pétrel fulmar |
![]() Pingouin Torda |
Le transport
Il a lieu dans des cartons tapissés d’un papier journal dans le fond et percés de multiples trous sur les côtés (plutôt que sur le dessus) pour l’aération. Veiller à une taille adéquate : l’oiseau doit rester maintenu, sans exagération afin d’éviter qu’il ne percute violemment les parois au premier coup de frein pendant le transport. Une conduite en douceur est évidemment de mise. Les grandes espèces sont conditionnées seules alors que l’on peut accepter deux ou trois individus chez les petites espèces vivant habituellement en colonies, telles que macareux, guillemots et pingouins tordas.
Une circulation d’air doit être possible entre les cartons, séparés d’environ 15 à 20 cm. Le fuel encore frais émet des vapeurs pouvant être éliminées par une bonne ventilation à l’intérieur du véhicule, protégeant à la fois les animaux mais aussi les humains de leur inhalation.
La température à l’intérieur du véhicule diffère selon qu’il s’agisse d’oiseaux trempés ou secs (ou mazoutés) : 26-27 °C pour les premiers, quelques degrés en dessous pour les deuxièmes.
Lorsque le transport dure plus d’une heure, une inspection périodique des oiseaux est nécessaire, selon les conseils prodigués par le vétérinaire, avec hydratation à la clé. La surveillance de chaque individu est fonction de son état clinique (hypothermie…).
Attention de ne pas accentuer le stress des oiseaux, ce qui implique :
- de les manipuler avec douceur
- de ne pas parler ou uniquement à voix basse s’il est indispensable de communiquer.
Ces deux précautions sont valables quelles que soient les étapes de la prise en charge des volatiles.
![]() Espacement entre les cartons |
![]() Tableau des arrivées en Galice |
![]() Baguage de l'oiseau pour son suivi ultérieur |
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Prise en charge de l’oiseau à son arrivée au centre
Toutes les arrivées sont répertoriées. Après un bilan, l’oiseau est bagué et placé en infirmerie, sous lampe infrarouges ou directement sur bouillotte selon sa température.
Est établie une fiche individuelle comprenant :
- température
- poids
- degré de mazoutage
- état corporel
Si les pattes sont très mazoutées, le plus gros est enlevé à l’huile de table. L’intérieur du bec, lorsqu’il comporte du mazout, est aussi nettoyé avec de l’huile de table qui imbibe (modérément) un coton tige.
Prise de la température tous les matins.
Pour plus de précisions, se reporter à la rubrique « le coin du véto »
Lorsque l’on regarde les images, l’on se dit que tout va bien et cela rassure. Malheureusement, le « spectacle » de la REALITE est bien différent. En effet, les agonies sont monnaie courante et les bénévoles y assistent impuissants.
![]() Guillemot de Troïl mort sur centre |
![]() Pétrel fulmar mort sur centre |
![]() Dernière demeure pour ces guillemots trouvés morts sur la plage : la poubelle... |
Alimentation des pensionnaires
Les oiseaux sont réhydratés 3 fois par jour, les repas (donc 3 par jour) sont donnés une heure après et ce, tout au long du séjour de l’oiseau dans le centre.
- Guillemot : 60 ml
- Macareux : 40 ml
- Fou de Bassan : 120 ml
Les oiseaux sont nourris avec des granulés pour oiseaux marins composés de farine de poissons et de crevettes et enrichis en vitamines. Leur nom est « Lundi Exquisit », (sacs de 15 kg avec 2 macareux sur l’emballage).
La bouillie comprend environ 2/3 de granulés et 1/3 eau/réhydratant. En fait les granulés sont imbibés jusqu’à saturation pour ne pas gonfler lors de la digestion. Ils sont mixés puis la bouillie est filtrée à la passoire pour être sûr de ne pas boucher la sonde.
A chaque repas les oiseaux sont préalablement testés avec des poissons. Une transition alimentaire est effectuée avec de petits poissons (éperlan). Les plus gros oiseaux tels que les fous de Bassan sont nourris avec des sprats ou des sardines.
![]() Guillemot stimulé avec un éperlan |
![]() Mise au frais de la pitance de nos protégés |
![]() Jeune fou de Bassan nourri avec du poisson mort, ce qui est le cas de tous les oiseaux propres (en piscine) |
La stabilisation et le lavage
L’essentiel du travail réside dans la remise en état des animaux afin qu’ils supportent d’être lavés. Le lavage provoque un stress suffisant (imaginez-vous devenir « le jouet de deux gorilles »), capable de tuer un oiseau trop faible.
Les centres de pré–soins sont donc l’étape indispensable avant lavage. Ils sont appelés également centres de stabilisation car l’oiseau doit être stabilisé en poids. La température corporelle doit être correcte : 40° C afin de pouvoir supporter le voyage jusqu’au centre dit de soins (100 km en moyenne pour la situation de l’hiver 2003) où il sera lavé. Cette opération dure au minimum 35 minutes si l’on a en sa possession la douchette mise au point par l’équipe de l’IFAW–IBRRC (elle a la particularité de ne pas léser les plumes et d’assurer un jet homogène), et non encore commercialisée. Il existe des analogues de cette douchette, bien que moins perfectionnés car d’intention d’utilisation différente, vendus dans le commerce.
![]() Lavage minutieux de la tête d'un fou de Bassan |
![]() Travail à la chaîne |
![]() Tout est savonné dans le moindre détail sous peine de devoir recommencer toute la procédure |
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![]() Douchette mise au point par IFAW pour le rinçage |
![]() Importance du jet homogène qui respecte la structure de la plume |
Un hôpital de campagne tel qu’il devrait être :
![]() Centre de Pontevedra - Galice, Espagne |
![]() Alimentation des protégés, à la chaîne, au centre de Pontevedra - Galice, Espagne |
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Autres techniques de lavage : A PROSCRIRE
La machine à laver le piaf : fruit de plusieurs années de recherche
Bref descriptif : cette machine est munie d’un cylindre dans lequel l’oiseau est maintenu par un carcan métallique, ailes déployées et tête recouverte. L’animal est ensuite soumis à des cycles de lavage et de rinçage d’une eau à 40 ° C mélangée à du savon pour le lavage.
Les qualités théoriques de cette machine n’ont pas tenu leurs promesses. Quelques petites précisions dues au terrain : les 7 minutes annoncées peuvent être multipliées par 10 à 15. La contention de l’oiseau dans un cylindre est stressante pour l’animal et peut provoquer des blessures. Le produit envoyé par le système de la machine ne permet pas une entrée en émulsion du pétrole et du savon. La tête doit être nettoyée manuellement et il est souvent nécessaire d’effectuer un deuxième lavage, ce qui multiplie donc la durée des opérations par deux. Au final, cet engin est donc plus lent : 1h30 à 2h avec deux lavages contre 35 min pour un laveur expérimenté, plus coûteux (consommation en électricité (bien supérieure à celle de 2 néons), notamment, comparativement à un nettoyage manuel). Le nombre de laveurs correctement formés est plus facilement multipliable que les machines qui coûtent, au bas mot, la somme de 38 000 euros (250 000 francs).
Le principe d’un lavage efficace est de créer une émulsion entre le produit et le mazout afin d’obtenir un mélange des deux composants, ce qui équivaut à un bain. Projeter de l’eau savonneuse sur l’oiseau, telle que le fait la machine à laver, est donc très largement insuffisant, outre les blessures que cette dernière peut infliger.
L’emploi des champs magnétiques ou lavage magnétique
L’oiseau est saupoudré de ferrite qui s’agglutine au mazout présent sur les plumes. Intervient ensuite un électro-aimant qui aspire ferrite et fuel en même temps. En terme de respect de la structure de la plume, il n’existe pas mieux. Malheureusement, la ferrite reste une poudre : elle est facilement inhalée, ce qui en fait une contre–indication.
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Phase d’étanchéification du plumage
Après le lavage vient le séchage et la période d’étanchéification du plumage, opération réalisée par l’oiseau qui lisse ses plumes, les restructure, et les graisse… Plusieurs séances en piscine d’eau douce sont opérées, permettant de tester la flottaison de l’oiseau et donc l’étanchéité de son plumage. Elles lui permettent aussi de nager et donc d’éviter tous les problèmes de « blocage des tendons », ces oiseaux n’étant « pas faits » pour rester en station debout.
![]() Toilettage d'un fou de Bassan juvénile |
![]() La surface de l'eau est sans cesse renouvelée par un jet d'eau continu afin qu'aucune impureté ne vienne souiller le plumage. |
![]() Toilettage d'un guillemot de Troïl |
![]() Macareux et guillemot en piscine |
![]() Pingouin Torda |
![]() Fous de Bassan adultes en piscine |
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Aparté
Différences entre centres de pré-soins et centres de soins :
Sont appelés centres de pré-soins les centres regroupant les étapes de stabilisation des oiseaux et centres de soins ceux où intervient le lavage du volatile. Cette appellation est incorrecte dans la mesure où le lavage n’est pas le seul soin. Il demeure tout l’à-côté médical qui fait aussi partie des traitements.
Elles sont essentielles.
Les animaux sont placés dans des endroits chauds et aérés afin d’éviter le développement d’aspergillose, champignon pulmonaire responsable d’une forte morbidité (cf. « le coin du véto »). Les oiseaux sont disposés sur des filets (technique IFAW). Outre les souillures par les déjections, les risques de nécrose ou d’arthrite au niveau des pattes sont ainsi évités (souplesse du support). Les litières de copeaux ou de papier journal sont fortement déconseillées car elles sont des nids à microbes, aspergillose sous forme sporulée, notamment.
Le but est de réhabiliter correctement les oiseaux en un temps record, et donc de les garder le moins longtemps possible en détention. Les oiseaux les plus faibles doivent malheureusement être séparés des autres.
Détail des locaux :
2 zones de soins sont bien distinctes :
- L’infirmerie : 25 °C + lampes à infrarouges, pour les oiseaux dès leur arrivée jusqu’à atteindre 39,5°C, et pour les oiseaux à problèmes nécessitant des soins particuliers.
- La stabilisation : 23 °C sans lampe, où les volatiles doivent continuer à monter en température et leur état s’améliorer.
Comme il est arrivé que des oiseaux sensés être « stabilisés » rechutent en température, il est conseillé de faire un box intermédiaire. Le jour de la sortie de l’infirmerie les oiseaux sont placés dans un box avec lampe. S’ils se mettent sous la lampe, ils retournent en infirmerie. Par contre, si les piafs sont effectivement stabilisés, 20°C doivent être suffisants.
![]() Guillemot sur filet et sous lampe à infrarouges |
![]() Fou de Bassan sur filet |
IFAW : International Fundation for Animal Welfare
IBRRC : International Bird Rescue Research Center