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Aberrations

 

Campagnes de vaccination contre le H5N1

En France, en 2006, les volailles ont dû être confinées. Afin de respecter un label de qualité, certains départements ont eu droit à une dérogation. Les 3 départements concernés étaient les Landes, la Loire-Atlantique et la Vendée. Suite à la campagne obligatoire de vaccination contre le H5N1, seules les Landes sont restées en lice. Cette campagne de vaccination concernait les élevages des communes situées en zone humide. D’après les autorités, voici donc les zones intéressées.

 

Carte-Landes-vaccination-H5N1
Carte de vaccination

 

Les zones hachurées en vert délimitent ces zones de vaccination, donc normalement corrélées à la présence des zones humides.

Il n’est besoin d’être un scientifique de haut niveau pour s’apercevoir que le département des Landes regorge de zones humides. Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps, il s’agissait d’une zone marécageuse…

Environ les ¾ des élevages se situent au sud de l’Adour, grande rivière qui relie Dax à Mont-de-Marsan (Sud Landes). Le quart restant est disséminé au nord.

Par ailleurs, les Landes se situent sur le couloir de migration Atlantique Est des oiseaux.

Alors ?

Une fois de plus, en matière de faune sauvage, les décisions politiques ne tiennent pas compte de la réalité du terrain. Quelles conséquences au niveau sanitaire alors que tout le monde craint une pandémie ?

 

Dissémination d’antifongiques

AspergillusCentres avifaune de la marée noire du Prestige…

Les maladies développées dans de tels centres : la détention des oiseaux, en nombre important comme lors de chaque marée noire, s’apparente à de l’élevage intensif. L’affection la plus à craindre est l’aspergillose (Aspergillus fumigatus). Le protocole américain préconise, en préventif, l’administration d’itraconazole (Sporanox® (liste I) depuis 1993 ; laboratoire Janssen Cilag, numéro AMM : 334628-8). Nous rappelons qu’en France, ce médicament est uniquement destiné à un usage hospitalier et ce, non sans raison : les mycoses invasives (résultantes principalement de Candida et Aspergillus) comptent parmi les pathologies infectieuses les plus graves en santé humaine. Elles représentent aujourd’hui la seconde cause de mortalité par infection fongique à l’hôpital. En onco-hématologie, la situation chez les allogreffés de moelle est préoccupante avec une fréquence au moins égale à 10 % et une mortalité proche de 100 %.

 

Rappel : l’aspergillose (autrefois appelée maladie du poumon de fermier) est due à un champignon filamenteux saprophyte thermophile : Aspergillus fumigatus, jouant un rôle important dans le recyclage naturel du carbone et de l’azote organique. Les caractéristiques biologiques majeures de cette espèce (thermopreferendum de large gamme, capacité de sporulation élevée et absence de besoins nutritionnels spécifiques) lui permettent de coloniser une grande variété de substrats. Il ne s’agit pas d’une zoonose, il n’y a pas de vecteurs : les conidies de cette espèce fongique, présentes en permanence en suspension dans l’air, sont régulièrement inhalées par l’homme et les animaux, et leur petite taille (2-3 microns) leur permet de pénétrer le tractus respiratoire jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Chez les oiseaux marins, la localisation s’observe au niveau des sacs aériens à l’origine d’aéro-sacculites. La période d’incubation est variable, de quelques jours à plusieurs semaines. Il n’y a pas de transmission horizontale.

Chez l’hôte immunocompétent, les défenses cellulaires non-spécifiques éliminent le champignon. Chez le patient immunodéprimé, l’inefficacité de la réponse cellulaire se traduit par la germination des conidies et une expansion mycélienne dans le parenchyme pulmonaire, provoquant une pneumopathie sévère associée ou non à l’envahissement d’autres organes.

 

Aberration 1 : organes cibles et parcours de la molécule

La particularité du tube digestif des oiseaux est de présenter une perméabilité à l’itraconazole (entre autres triazolés) quasiment nulle. Secondairement, les caractéristiques anatomiques des sacs aériens (faiblement vascularisés, absence d’escalator muco-ciliaire), organes où sont localisées les lésions aspergillaires, ne contribuent pas à une bonne distribution du principe actif. Ces inconvénients tentent d’être palliés par une dose préconisée de 25 mg/kg chez des patients insuffisants hépatiques et rénaux ( !, confer nombreuses contre-indications de l’administration de l’itraconazole), soit environ 9 fois plus que les doses en humaine (200 mg/j selon les affections).

 

Aberration 2 : absence de suivi des oiseaux relâchés ou comment disséminer des résistances dans le milieu (en toute ignorance ?)

Nous ne rappellerons jamais assez que l’antibiothérapie doit être raisonnée, même (surtout) s’il s’agit de faune sauvage. Au même titre que les bactéries, les animaux traités avec des antimicrobiens antifongiques peuvent répandre des aspergilles résistants dans l’environnement. Toutes les mesures possibles doivent être prises pour réduire la contamination de l’environnement. Certains des oiseaux relâchés ont été récupérés quelques jours plus tard atteints d’aspergillose. Qu’en est-il des autres ?

 

Aberration 3 : coût du traitement

La couverture antimycosique doit être établie tout au long de la période de réhabilitation. Le coût de l’opération devient prohibitif. Pour information, en 2002, le prix pharmacien HT de la plaquette thermoformée de 30 gélules, dosées à 100 mg, était de 210 euros (1373.40 F). Faîtes le calcul pour un temps de captivité de 15 jours minimum ! C’est d’autant plus une ineptie que tous les centres n’étaient pas même équipés du strict minimum.

 

Conclusion :

Administrer illégalement ou de manière non justifiée de l’itraconazole à des oiseaux dont on ignore le devenir et sans garantie de l’efficacité du traitement, est contraire à la mission du vétérinaire qui n’est pas de jouer aux apprentis sorciers.

La priorité doit être faite aux traitements autorisés, qui, de surcroît, ont fait leurs preuves !

Outre d’autres aspects, l’échec thérapeutique des antifongiques en humaine est lié au statut immunologique du patient mais aussi à la résistance des champignons aux antifongiques.

Il est donc irresponsable de la part du vétérinaire, dont le devoir est d’être garant, par ses pratiques, de la préservation de la santé publique, de favoriser la dissémination de résistances en se fournissant en itraconazole par le biais d’ATU ou sous le manteau via la Belgique. En plus d’être illégale dans le dernier cas, cette attitude est criminelle car elle participe directement à la mortalité des patients hospitalisés et atteints de mycoses invasives.

Et tant que nous y sommes, pourquoi ne pas se fournir en voriconazole (VFEND, laboratoires PFIZER, liste I, date de l’AMM : 19 mars 2002) ?